« Guerre contre la nature » : le nouveau rapport de l’ONG Mighty Earth révèle l’implication de JBS dans la pire destruction chimique du Pantanal brésilien avec de l’« agent orange ».

Sydney Jones

Press Secretary

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Carole Mitchell

Sr. Director Communications

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Le nouveau rapport de Mighty Earth « Rapid Response » sur le boeuf, en partenariat avec Repórter Brasil et AidEnvironment, établit l’implication du géant brésilien de l’agroalimentaire JBS et les producteurs de viande, Marfrig et Minerva, dans ce qui a été qualifié de « guerre contre la nature » au sein des zones humides du Pantanal, un site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, qui abrite la plus grande  concentration de jaguars de la planète.

L’épandage du composant clé de l’« agent orange », défoliant mortel utilisé pendant la guerre du Viêt Nam, a été pulvérisé à partir d’avions pour éradiquer délibérément les arbres et la végétation de la plus grande zone humide du monde pour l’élevage de bœuf. Au total, 81 200 hectares ont disparu, soit une superficie de près de huit fois la ville de Paris, sur la ferme Fazenda Soberana, dans le Pantanal brésilien. Les procureurs ont qualifié cet acte illégal de ” déforestation chimique 

Le Pantanal en danger

Ces conclusions interviennent alors que l’extrême sécheresse et le changement climatique alimentent l’une des pires saisons des incendies que le Brésil ait connues depuis des décennies, les autorités brésiliennes accusant des « criminels » d’avoir délibérément allumé des incendies. Le feu est utilisé pour défricher les terres à des fins agricoles, principalement pour l’élevage du bétail. Selon l’Institut national de recherche spatiale du Brésil (INPE), le Pantanal a connu en août une augmentation alarmante de 3 910 % des incendies par rapport au même mois de l’année précédente, ce qui a incité la ministre brésilienne de l’environnement, Marina Silva, à avertir que « nous pourrions perdre le Pantanal d’ici la fin du siècle » si les tendances actuelles se poursuivent.

João Gonçalves, directeur de Mighty Earth Brésil, a déclaré :

« La destruction délibérée d’innombrables arbres et espèces sauvages dans le Pantanal par pulvérisation aérienne d’un composant hautement toxique de l’« agent orange » est une nouvelle guerre dévastatrice contre la nature menée par l’industrie de la viande bovine. »

« Notre étude a révélé que 86% de la déforestation récente dans 5 exploitations bovines fournissant les plus grands producteurs de viande – JBS, Marfrig et Minerva – se situait dans le Pantanal. Ces zones humides extrêmement importantes, les plus vastes du monde et qui abritent des espèces clés comme le jaguar, sont largement dépourvues de protection et sont rasées pour l’élevage. »

« En ce moment, le Brésil est en proie à des incendies de forêt qui font rage dans tout le pays et qui sont dus en grande partie à des activités criminelles liées à l’agriculture. Le Pantanal ne peut résister à la fois aux incendies et à la déforestation chimique rampante, qui non seulement dépouille les arbres sur de vastes étendues, mais empoisonne des écosystèmes entiers. Les grandes entreprises de viande bovine doivent suspendre d’urgence les éleveurs qui s’obstinent à détruire la nature à des fins lucratives. »

Crimes environnementaux dans la chaîne d’approvisionnement en viande bovine

Le rapport Rapid Response qui sort aujourd’hui a également révélé une déforestation récente de 4 005 hectares dans deux fermes d’élevage, dont l’une est liée à l’éleveur Claudecy Oliveira Lemes, à l’origine de la pulvérisation du composé hautement toxique de l’agent orange, le 2,4-D. L’enquête place l’une de ses fermes, la Fazenda Soberana localisée dans le Mato Grosso, au centre d’une chaîne d’approvisionnement en viande bovine reliant les 3 grandes entreprises de viande que sont JBS, Marfrig et Minerva et 4 grandes chaînes de supermarchés au Brésil – Carrefour, Casino/GPA[1], Grupo Mateus et Sendas/Assaí.

Au total, Lemes a été accusé de nombreux crimes environnementaux et s’est vu infliger une amende équivalente à 470 millions d’euros, un record pour le Mato Grosso.

70 alertes au feu ont été détectées dans sa ferme de Barão do Melgaço, dans le Mato Grosso grâce au système de suivi en temps réel de la déforestation DETER de l’Agence spatiale brésilienne (INPE). Une analyse plus poussée des images satellite a confirmé que 3 447 hectares de forêt ont été détruits sur la ferme Soberana entre octobre et novembre 2023.

Au total, dans le nouveau rapport, Mighty Earth identifie 4 651 hectares de déforestation récente entre octobre 2023 et février 2024 dans 5 fermes bovines situées dans les biomes les plus menacés du Brésil – le Pantanal (2), l’Amazonie (2) et le Cerrado (1) – et dont la grande majorité se trouve dans le Pantanal.

Plus de 550 000 hectares de déforestation

Dans le cadre d’une enquête plus large de Rapid Response – le programme de surveillance de la déforestation de Mighty Earth – il apparaît que les 27 abattoirs de JBS qui ont fourni les produits de bœuf aux grands distributeurs que sont Carrefour, Casino/GPA, Grupo Mateus et aux supermarchés Sendas/Assaí au Brésil, étaient liés à près de 470 000 hectares de déforestation et de conversion en Amazonie et dans le Cerrado entre 2009 et 2023, via des chaînes d’approvisionnement directes et indirectes. Si l’on y inclut les chiffres de 9 abattoirs Marfrig et Minerva, la superficie totale détruite au cours de cette période s’élève à plus de 550 000 hectares.

La viande bovine a été suivi du magasin à la ferme

L’enquête a porté sur 1 641 produits de bœuf scannés dans 120 magasins dans 52 villes brésiliennes entre le 12 octobre 2023 et le 2 février 2024. L’application “Do Pasto ao Prato” (“Du pâturage à l’assiette”) utilisée pour tracer les produits de bœuf dans les rayons des supermarchés a permis de remonter jusqu’à 157 abattoirs dans 21 États brésiliens. Une analyse plus poussée utilisant des alertes de déforestation en temps réel, la surveillance par satellite et l’examen des données des GTA (Guia de Trânsito Animal) sur le mouvement du bétail depuis les fermes jusqu’à 36 abattoirs, met en lumière l’ampleur de leurs liens avec la déforestation.

Dans le cas de Carrefour, le rapport montre que plus de la moitié (56 %) des approvisionnements en bœuf échantillonnés proviennent d’abattoirs JBS. Bien que Carrefour ait fait quelques progrès en bloquant 177 fermes non conformes en Amazoniel’année dernière et en mettant en place une plateforme de transparence forestière, une première mondiale pour un distributeur, le risque demeure que le géant français de la distribution soit toujours potentiellement lié à des pratiques douteuses en matière d’approvisionnement en viande bovine.

En réponse à notre dernier rapport Rapide Response, Carrefour a déclaré avoir déjà bloqué 2 des 5 fermes et que les 3 autres ne figuraient pas dans sa base de données. Le distributeur français a indiqué qu’il n’était pas en mesure de fournir plus de détails car cela constituerait une violation de la réglementation brésilienne. Il n’a pas précisé si les fermes en question sont des fournisseurs indirects ou non.

Par ailleurs, Carrefour vient d’ouvrir son premier magasin discount Atacadão en France. Or, notre enquête a révélé que des produits bovins étaient en vente dans les magasins Atacadão au Brésil, fournis par les abattoirs JBS liés à ferme Soberana.

Boris Patentreger, directeur principal pour la France de Mighty Earth, a déclaré :

« Grâce à l’application « Do Pasto ao Prato », nous avons pu montrer que les produits carnés présents dans les rayons de la chaîne de magasins discount Atacadão de Carrefour au Brésil étaient potentiellement liés à la Fazenda Soberana dans le Mato Grosso, l’exploitation agricole au centre de la pire destruction chimique observée dans le Pantanal. »

« Alors que Carrefour souhaite offrir aux consommateurs un bon rapport qualité-prix dans un contexte de crise du coût de la vie, les produits carnés bon marché au Brésil ont un coût environnemental et humain très élevé.  Carrefour doit d’urgence faire beaucoup plus pour mettre fin à la déforestation dans l’ensemble de sa chaîne d’approvisionnement en viande bovine au Brésil.

Mighty Earth demande :

  • À JBS, Marfrig, Minerva et aux autres conditionneurs de viande d’enquêter sur nos déclarations et de suspendre immédiatement les fournisseurs directs et indirects impliqués dans la déforestation – en incluant l’utilisation généralisée d’herbicides toxiques, qui non seulement déforestent, mais également polluent des écosystèmes entiers, avec un impact sur la faune et les communautés.
  • Aux conditionneurs de viande de publier d’urgence sur une plateforme publique le volume et l’origine du bétail – y compris les listes de toutes les fermes directes et indirectes et la proportion de bétail provenant d’exploitations pratiquant la déforestation et la conversion zéro (ZDC) – et de soumettre tous les cas présumés de déforestation ou de violation des droits de l’homme via un mécanisme de réclamation public afin de suivre les progrès, l’engagement et la suspension de chaque fournisseur qui ne respecte pas les règles.
  • À Carrefour, Casino/GPA, Grupo Mateus et Sendai/Assaí de cesser toute relation commerciale directe ou indirecte avec des conditionneurs de viande tels que JBS, Marfrig et Minerva impliqués dans la déforestation à grande échelle ou la conversion d’écosystèmes.
  • Aux supermarchés de rompre immédiatement avec les abattoirs identifiés dans ce rapport comme étant exposés aux taux de déforestation les plus élevés de 2021 à 2023 jusqu’à ce que leur chaîne d’approvisionnement soit assainies de manière indépendante et vérifiable.
  • Aux distributeurs de soumettre tous les cas de déforestation à un mécanisme de contrôle public afin de surveiller la suspension de toutes les exploitations agricoles qui ne respectent pas les règles.
  • Aux distributeurs de publier immédiatement sur une plateforme publique le volume et l’origine de leurs produits contenant du bœuf, avec les détails sur les abattoirs, la liste des exploitations directes et indirectes fournissant les animaux et la proportion de produits de viande bovine provenant d’une chaîne d’approvisionnement en bœuf ZDC vérifiée.

[lien vers les images et graphiques]

Chiffres clés issus du rapport Rapid Response sur le boeuf

  • 4 651 hectares de déforestation et de conversion récentes dans 5 fermes des biomes Amazone, Cerrado et Pantanal, directement ou indirectement liées à JBS, Marfrig et Minerva. Le rapport indique qu’elles fournissent des produits de bœuf aux 4 principaux détaillants du Brésil : Carrefour, Casino, Grupo Mateus et Sendas/Assaí.
  • 86 % des destructions survenues dans ces 5 fermes entre octobre 2023 et février 2024 ont eu lieu dans le Pantanal.
  • L’enquête plus large a révélé que 27 abattoirs JBS fournissant des produits de bœuf aux supermarchés Carrefour, Casino, Grupo Mateus et Sendas au Brésil étaient liés à près de 470 000 hectares de déforestation en Amazonie et dans le Cerrado entre 2009 et 2023.
  • Si l’on inclut les 9 abattoirs Marfrig et Minerva, la superficie totale de forêt et de végétation naturelle perdue en près de 15 ans de destruction s’élève à plus de 550 000 Sur ce total, 45 % se trouvent en Amazonie et 55 % dans le Cerrado, le plus menacé des deux biomes.
  • Mighty Earth, AidEnvironment et Repórter Brasil ont étudié un échantillon total de 1 641 produits de bœuf dans les supermarchés brésiliens et ont relié ces produits à 157 abattoirs à travers le Brésil, exploités par 108 conditionneurs de viande.
  • Grâce à l’application “Do Pasto ao Prato“, des données ont été collectées dans 120 magasins Carrefour, Casino, Grupo Mateus et Sendas/Assaí dans 52 villes de 21 États brésiliens. Sur ces 157 abattoirs, 45 se trouvent en Amazonie légale.
  • En utilisant les données du Guide du transport des animaux (Guia de Transporte Animal, GTA) couvrant 7 États du Brésil, l’analyse a identifié 3 113 fournisseurs directs et 8 433 fournisseurs indirects de bétail issus de 36 abattoirs, dont 27appartiennent à JBS, 4 à Marfrig et 5 à Minerva.
  • Pour la période 2009-2023, l’analyse a révélé 181 167 hectares de déforestation liés à des fournisseurs directs potentiels et 368 859 hectares liés à des fournisseurs indirects potentiels des 36 abattoirs en Amazonie et dans le Cerrado, ce dernier qui disparaissant deux fois plus vite que l’Amazonie en grande partie à cause de l’élevage de bétail et de la culture du soja destinée à nourrir les animaux dans les systèmes d’élevage intensifs en Europe et ailleurs.

Comment fonctionne le programme Rapid Response ?

Le programme Rapid Response surveille la déforestation récente dans les chaînes d’approvisionnement du bœuf et du soja au Brésil, dans le but d’arrêter de manière proactive la déforestation, la dégradation et l’exploitation forestière à leurs premiers stades.

Mighty Earth, en partenariat avec Repórter Brasil et AidEnvironment, surveille des dizaines de millions d’hectares de terres agricoles au Brésil. Lorsque la déforestation est détectée dans les chaînes d’approvisionnement des grandes entreprises de viande et de soja, des alertes sont lancées auprès d’elles, de leurs clients détaillants et de leurs financiers. L’objectif : les inciter à agir contre la déforestation dans leurs chaînes d’approvisionnement en alertant les entreprises et en les incitant à cesser leurs activités avec les abattoirs et les fermes de soja liés à des incendies récents ou à des défrichements confirmés visuellement. Rapide Response vise à empêcher que des centaines d’hectares de déforestation ne se transforment en milliers d’hectares.

[1] Casino contrôlait GPA jusqu’à mars 2024. Depuis le Groupe Casino détient une participation de 22,5 % du capital de GPA

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