Déforestation : Les ONG tirent la sonnette d’alarme à l’aube d’une nouvelle saison record d’incendies au Brésil
Au premier semestre 2021, la déforestation en Amazonie a augmenté de 17 % par rapport au premier semestre 2020. Alors que la saison sèche s’ouvre au Brésil, le nombre d’incendies dépasse déjà celui de l’année dernière à la même période. Ces chiffres laissent présager de nouveaux records d’incendies au Brésil cet été. Face à ce désastre environnemental, climatique et social, la France reste passive. Pourtant, nos importations de produits issus de la déforestation contribuent directement à la destruction des écosystèmes exceptionnels de ces régions : l’Amazonie et le Cerrado sont détruits pour laisser place aux pâturages pour l’élevage de bœufs et aux champs de soja que la France importe massivement pour nourrir ses animaux d’élevage.
L’année dernière a déjà été marquée par des incendies spectaculaires qui ont ravagé plus de 310 000 km2 au Brésil, avec la caution du Président brésilien Jair Bolsonaro. Pour la troisième année consécutive, la forêt aura perdu environ 10 000 km2 de sa surface, soit l’équivalent de la superficie de la région Île-de-France ! Le rythme de destruction est tel que les scientifiques nous alertent sur le point de non-retour que pourrait atteindre la forêt amazonienne : si aucune action immédiate n’est entreprise pour inverser la trajectoire, cette immense forêt tropicale se transformera irréversiblement en savane, menant à la destruction irréversible de cet écosystème essentiel à la survie de l’humanité.
Les conséquences de la déforestation ne se limitent pas aux frontières des régions touchées : la bonne santé de ces écosystèmes comportant une biodiversité unique est vitale au maintien de l’équilibre climatique planétaire. Aujourd’hui, l’Amazonie brésilienne ne parvient plus à assurer son rôle de poumon de la planète et vient d’atteindre un point de bascule inquiétant. Selon une étude scientifique publiée dans Nature Climate Change, elle émet désormais davantage de carbone qu’elle ne contribue à en séquestrer. Si rien n’est fait pour inverser la trajectoire, c’est toute l’Amazonie qui pourrait basculer et devenir émettrice nette de carbone, mettant en danger l’équilibre mondial.
A l’aube d’une saison de nouveau marquée par les incendies dévastateurs, il y a une urgence absolue à agir immédiatement. En 2019, Emmanuel Macron reconnaissait la responsabilité de la France et s’engageait à agir pour freiner la destruction de l’Amazonie. Deux ans après, le constat est amer : la cadence de nos importations issues de la déforestation n’a pas ralenti et la destruction de l’Amazonie s’est accélérée.
Si la France s’est dotée d’une Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée en novembre 2018, celle-ci est restée lettre morte, faute d’ambition et de volonté politiques. L’action de la France demeurera inefficace tant que les mesures ne seront pas contraignantes et reposeront sur le bon-vouloir des entreprises. Pour garantir que le soja qu’elle importe n’est pas issu de la déforestation, la France doit prendre des mesures pour contraindre les importateurs à garantir et prouver que les produits qu’ils mettent sur le marché français ne sont pas liés à la déforestation ou à la destruction d’écosystèmes naturels.
De même, le gouvernement ne peut continuer à négocier des accords qui risqueraient d’accroître la déforestation en Amérique du Sud. Selon l’expertise scientifique mandatée par le gouvernement, l’entrée en vigueur de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur augmenterait significativement la déforestation dans les pays du Mercosur, jusqu’à 25 % par an pendant six ans. La France doit bloquer l’adoption de cet accord et de tout instrument présentant le risque de contribuer à l’accélération de la déforestation.
En septembre 2021, les regards seront rivés sur la France qui accueillera à Marseille le Congrès mondial de la nature de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). Avant la fin de l’année, la Commission européenne proposera un projet de législation pour lutter contre la déforestation. La France aura la responsabilité de faire aboutir un texte ambitieux puisqu’elle assurera la présidence de l’Union européenne au premier semestre 2022. Cette loi devra contraindre les entreprises à garantir que les produits qu’elles mettent sur le marché européen ne sont ni liés à la destruction des forêts, savanes et prairies du monde, ni à des violations de droits humains. C’est seulement à ces conditions que l’on pourra inverser la trajectoire destructrice de la déforestation en Amérique du Sud et espérer préserver l’équilibre environnemental et climatique.
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Liste des signataires
Véronique Andrieux, Directrice générale du WWF France ; Clotilde Bato, Présidente de Notre Affaire à Tous ; Jonathan Guyot, Co-fondateur de all4trees ; Jean-François Julliard, Directeur de Greenpeace France ; Charlotte Meyrueis, Directrice de Coeur de Forêt ; Xavier Morin, Directeur de Canopée ; Nico Muzi, Directeur Europe de Mighty Earth ; Boris Patentreger, Co-fondateur d’Envol Vert ; Arnaud Schwartz, Président de France Nature Environnement ; Evrard Wendenbaum, Fondateur de Naturevolution.