Importations de cacao des États-Unis : Les grands négociants agissant dans l’ombre se taillent la part du lion.

Sydney Jones

Press Secretary

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Carole Mitchell

Sr. Director Communications

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Mighty Earth et Stand.Earth ont entrepris collectivement des recherches préliminaires sur la chaîne d’approvisionnement du cacao, afin de mieux comprendre comment le cacao pénètre le plus grand marché du chocolat au monde, les États-Unis. Bien que les résultats confirment une grande partie de ce qui était déjà su, certaines nouvelles révélations sont stupéfiantes. Nos résultats sont accablants pour quelques négociants dominants, ils dévoilent le secret dans les importations de cacao/chocolat, un réseau international de blanchiment opaque de cacao et une dissimulation de bénéfices exorbitants pour les entreprises faits au détriment des pays producteurs pauvres.

Ces résultats sont issus de l’analyse des données de suivi des navires et des manifestes des navires américains, de janvier à octobre 2020, en utilisant divers algorithmes pour consolider les données. Nous nous sommes concentrés sur les importations américaines de cacao en provenance de quatre grands pays producteurs de cacao : Ghana, Côte d’Ivoire, Équateur et Pérou.

Les schémas d’exploitation des producteurs de cacao se poursuivent : Nos recherches révèlent à quel point les pays producteurs de cacao perdent des revenus substantiels en n’exportant pas directement vers les consommateurs, et en exportant des matières premières plutôt que des produits transformés à base de cacao. Cette situation est due aux modèles postcoloniaux d’exploitation du Sud par des sociétés occidentales prédatrices, aux accords commerciaux injustes dictés par les anciennes puissances coloniales et à l’échec de la gouvernance, de l’engagement et du développement des gouvernements producteurs de cacao. De gros volumes de fèves de cacao ivoiriennes et ghanéennes sont vendus aux États-Unis via la Belgique et l’Espagne, ce qui signifie que les revenus et les bénéfices qui pourraient aller aux agriculteurs sont détournés au profit de négociants étrangers.

Cette situation s’étend également à la propriété de la capacité de broyage. La capacité de broyage de la Côte d’Ivoire est considérablement importante – 16 % en 2019 – mais une grande partie de cette capacité est détenue par des sociétés étrangères. Bien que le broyage des fèves de cacao apporte plus de valeur au pays, la fuite des capitaux draine la plupart de ces revenus hors du pays. Le Ghana vend principalement des fèves de cacao mais, comparativement, il tire davantage profit de ce commerce en raison de son marché moins libéralisé où l’action des régulateurs réduit les chocs négatifs du marché.

L’UE exporte du cacao vers les États-Unis : 43 % des fèves de cacao du Ghana et de la Côte d’Ivoire passent par l’Europe – en particulier par l’Espagne et la Belgique – et sont souvent réexportées sans aucune valeur ajoutée. Cela indique que toute décision de l’UE sur la durabilité du cacao aura un impact massif sur la politique commerciale américaine en matière de cacao, et vice versa.

Autres pays de blanchiment du cacao – Panama et Colombie : De grandes quantités de cacao péruvien et équatorien transitent par le Panama et la Colombie vers les États-Unis. Pourtant, le Panama n’a jamais pris d’engagements en matière de cacao durable, n’a pas d’objectifs de traçabilité ou de transparence pour le cacao, et n’est pas encore scruté de manière appropriée en tant qu’acteur majeur du cacao. La durabilité de l’industrie cacaoyère panaméenne doit être réexaminée, et une “Initiative cacao et forêts” (CFI) pour le Panama serait un bon début. La Colombie a déjà pris des mesures avec sa propre “Initiative Cacao, Forêts et Paix” pour réformer son secteur. Nos recherches aboutissent à une conclusion claire : cette initiative devrait désormais couvrir tout le cacao qui transite par la Colombie, et pas seulement celui que les Colombiens cultivent.

L’ironie de la traçabilité : La traçabilité permet de faire la lumière sur l’origine du cacao afin de résoudre les problèmes au niveau des exploitations, mais elle doit également montrer où vont les produits du cacao. Outre le flou qui entoure la traçabilité et la problématique du cacao réexporté d’Europe, il existe des omissions généralisées et des erreurs érigées en normes dans les données d’importation américaines. Ce qui devrait figurer dans les données des manifestes de navires est souvent absent ou difficile à retracer, car les informations relatives à l’expéditeur et au destinataire sont supprimées. Nos recherches montrent un tel schéma et une telle pratique de l’obscurcissement que nous devons maintenant nous demander : “Que cachent les importateurs ?” En 2020, 40 millions de kilos de produits chocolatés non traçables sont entrés aux États-Unis. Le gouvernement américain doit réviser ses systèmes de contrôle pour s’assurer que le cacao devient traçable jusqu’aux entreprises impliquées dans la transaction réelle, et pas seulement jusqu’aux sociétés de transit. Cela signifie que les données américaines sur les importations et les exportations doivent s’améliorer considérablement et que les entreprises de chocolat devraient être obligées par les autorités américaines de divulguer l’ensemble de leurs chaînes d’approvisionnement mondiales aux deux extrémités, et pas seulement leurs fournisseurs.

L’UE est très en retard en matière de traçabilité du côté des importateurs : Si les données des manifestes douaniers américains doivent être grandement améliorées, l’UE a également un long chemin à parcourir. Actuellement, les données s’arrêtent au niveau des ports de l’UE. En raison du manque de transparence des systèmes de données des manifestes douaniers de l’UE, la dissimulation des crimes est facilitée car il n’existe aucun moyen de retracer le cacao des pays producteurs aux transformateurs ou aux fabricants. Ce manque de transparence est inacceptable pour une grande zone de consommation de cacao comme l’Europe. L’UE doit de toute urgence réformer ses données douanières pour les aligner sur les meilleures pratiques en matière de transparence des marchandises. La France a ainsi récemment établi un nouveau modèle avec des réformes pour la transparence des données douanières. Le reste de l’UE devrait imiter ce modèle et le renforcer.

L’astuce de camouflage du négociant : Alors que les fèves sont vendues en grandes quantités par le biais de chaînes d’approvisionnement intégrées comme Olam et Cargill, le chocolat fini, lui, semble provenir d’une grande variété de fabricants vers ce qui semble être, à première vue, une grande variété de destinataires. Un examen plus attentif révèle toutefois qu’il s’agit souvent de différentes itérations du nom de la même entreprise. Par exemple, nous avons trouvé 35 versions du nom du plus grand négociant de cacao au monde, “Barry Callebaut”, ce qui revient à répartir le volume entre plusieurs entreprises, de sorte que la taille réelle de ses monopoles ou la valeur de son commerce ne sont pas visibles. Après avoir examiné toutes les versions des noms, nos recherches montrent clairement comment les plus grands négociants en cacao – Barry Callebaut, Olam, ECOM, Sucden et Cargill – mènent la danse. Nous avons même réussi à percer le brouillard pour montrer qu’ECOM est le plus grand négociant de fèves de cacao aux États-Unis, bien qu’il se cache entre autres sous le nom d’Atlantic Specialty Coffee. Si Barry Callebaut, Cargill, Olam, Sucden, ECOM et d’autres sociétés de négoce de cacao prennent au sérieux la traçabilité, ils devraient résoudre immédiatement ce problème de nomenclature, avec ou sans action réglementaire américaine. Le plus grand broyeur américain, Blommer, est totalement absent à la fin de la chaine et ne fournit que peu ou pas de données sur son site web pour garantir la traçabilité. Si ces compagnies n’ont rien à cacher, elles devraient explicitement publier leurs noms sur toutes leurs transactions. Il est grand temps de mettre fin au jeu de cache- cache.

Où allons-nous ? Nos recherches soulignent que l’administration Biden doit agir de manière décisive pour faire progresser la durabilité du cacao et créer de la synergie entre les divers organismes gouvernementaux dont l’engagement est chaotique, cloisonné et disparate. Les États-Unis devraient également envisager sérieusement la création d’une “ISCO”. Cette plateforme multipartite pourrait réunir les agences gouvernementales fédérales appropriées, les ONG, les fabricants de chocolat et les négociants en cacao afin de renforcer la traçabilité, la transparence et la durabilité de l’industrie cacaoyère. Sur le plan législatif, la réglementation visant à limiter la déforestation importée se fait attendre depuis longtemps pour le chocolat et d’autres produits de base. En outre, au-delà de l’adoption de la législation, les États-Unis doivent s’engager régulièrement avec les pays producteurs de cacao pour améliorer la gouvernance et renforcer la voix des agriculteurs et de la société civile locale dans les discussions sur le cacao.

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