Et si votre chocolat de la Saint-Valentin avait été gâché par la déforestation?

Sydney Jones

Press Secretary

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Carole Mitchell

Global Communications Director

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Et si votre chocolat de la Saint-Valentin avait été gâché par la déforestation?

La destruction des forêts liée à l’exploitation du cacao en Côte d’Ivoire et au Ghana a été bien documentée, notamment par le récent rapport de Mighty Earth, « La déforestation amère du chocolat ». Aujourd’hui, une nouvelle étude démontre que la culture du cacao provoque des déforestations dans d’autres régions du monde, de l’Asie à l’Amazonie. Mighty Earth a cartographié des régions productrices de cacao situées en dehors de l’Afrique de l’Ouest et a pu identifier plusieurs zones qui présentaient des risques élevés de déforestation.

Grâce à des images satellites détaillées et en superposant des cartes documentant la déforestation sur celles des régions productrices de cacao, nous avons pu constater des déboisements massifs en Indonésie, au Cameroun, au Pérou et en Équateur.

Cette carte de la Saint-Valentin nécessite donc une enquête plus approfondie sur les sociétés en cause, et des recherches pour déterminer la part de responsabilité imputable au cacao plutôt qu’à d’autres matières premières. Néanmoins, il est évident que le secteur du chocolat étend désormais son empire à des pays comme l’Indonésie, le Pérou, l’Équateur ou le Cameroun qui tous possèdent de vastes forêts tropicales. Avec une demande à la hausse, le secteur du chocolat risque de se déployer de manière agressive dans les zones tropicales du monde entier et d’exporter dans bien des endroits les mêmes mauvaises pratiques qui ont contribué à la destruction quasi totale des forêts d’Afrique de l’Ouest. Ce qui est arrivé en Côte d’Ivoire et au Ghana doit servir d’avertissement pour les autres pays où se développe la cacaoculture, si le secteur ne rectifie pas le tir en modifiant ses pratiques.

À la suite de notre rapport publié à l’automne 2017, 24 chocolatiers de premier plan se sont engagés auprès des gouvernements du Ghana et de la Côte d’Ivoire à ne plus provoquer de nouvelles déforestations et à reboiser les forêts d’Afrique de l’Ouest. Ils ont également promis une traçabilité du cacao produit dans ces pays. Ces entreprises et les gouvernements ont fort à faire pour tenir leurs promesses. Mais seules quelques sociétés se sont engagées à mettre un terme à la déforestation dans le monde. Il est grand temps pour le reste du secteur du chocolat de suivre l’exemple.

Les sociétés Olam International et Hershey’s ont promis un cacao « zéro déforestation » dans le monde entier, avec effet immédiat, et se sont déclarées en faveur de l’agroforesterie. Quelques autres se sont engagées à changer sous peu leurs pratiques : Barry Callebaut s’est fixé un objectif « zéro déforestation » pour 2025 et Godiva a promis d’appliquer bientôt une politique « zéro déforestation » à l’ensemble de ses matières premières, dont le cacao. D’autres encore comme Mondelēz se sont engagées à un cacao sans déforestation en Afrique de l’Ouest et au-delà, mais pas dans tous les pays. Les sociétés qui luttent pour mettre un terme à la déforestation et pour reboiser ces régions du monde créent un précédent pour le secteur. En devançant les recommandations du Cocoa & Forests Initiative, elles envoient pour la Saint-Valentin un message d’espoir aux animaux menacés, de l’Asie à l’Amazonie.

  • Hershey’s : Nous sommes fiers d’annoncer que nous nous engageons à consolider notre chaîne d’approvisionnement pour le cacao, afin de ne plus générer de nouvelle déforestation. Nous cesserons immédiatement de nous approvisionner dans les régions où de nouvelles déforestations auront été constatées. Par ailleurs, nous avons créé un programme d’agroforesterie qui soutient le cacao cultivé sous couvert forestier et comprend des plantations d’arbres. 
  • Barry Callebaut : Avec son plan Forever Chocolate pour le développement durable, Barry Callebaut s’est engagé à devenir d’ici 2025 « positif en forêt » et « positif en carbone », en s’approvisionnant de manière durable et sans déforestation pour l’ensemble de ses ingrédients. 
  • Godiva : Dans le cadre de son engagement général pour l’amélioration de la vie des communautés et de celle de la planète, Godiva procède à une mise à jour de son code de conduite mondial, de manière à garantir que ses fournisseurs en matières premières — y compris en cacao — s’inscrivent dans des programmes d’approvisionnement luttant contre la déforestation et la dégradation des forêts. 
  • Olam International : Olam Cacao s’est engagée à mettre fin à la déforestation dans sa chaîne d’approvisionnement, au niveau mondial. Cette initiative comprend des formations auprès des agriculteurs afin que ces derniers adoptent des pratiques plus judicieuses du point de vue du climat. La plantation d’arbres d’ombrages en fait également partie. En Côte d’Ivoire, Olam a relevé le niveau de ses exigences pour les agriculteurs en matière de plantation d’arbres — en recommandant 100 arbres «forestry » et 50 arbres d’ombrage par hectare. Pour son approvisionnement direct, Olam s’est fixé pour objectif une traçabilité et une durabilité de 100 % de ses volumes d’ici 2020.
  • Mondelēz : Depuis 2012, nous avons pour ambition de nous approvisionner entièrement en cacao durable, principalement par le biais du programme Cocoa Life. Ce programme, qui opère dans six pays, dont l’Indonésie, met l’accent sur l’environnement et exige un cacao « zéro déforestation ». Nous soutenons aussi des campagnes de formation sur l’environnement et la conservation forestière dans tous les lieux où nous nous approvisionnons en cacao et encourageons les cultures de cacao sous couvert forestier, les cultures intercalaires et l’agroforesterie. Nous avons par ailleurs déjà mis au point un niveau de référence pour surveiller la déforestation en Indonésie. 
  • Halba: pour l’instant, Halba ne possède pas de politique « zéro déforestation », mais y travaille ; la société s’est déjà engagée à compenser toutes les émissions de CO2 de sa chaîne d’approvisionnement grâce à un projet d’agroforesterie et de reboisement au Honduras ; à ce jour, Halba a planté plus de 350 000 arbres au Honduras, au Pérou et au Ghana et s’est engagée dans des pratiques d’agroforesterie dans tous les pays où la société s’approvisionne en cacao, avec un objectif de 70 arbres d’ombrage par hectare.
  • Nestlé :  Nestlé est signataire de la « Cocoa & Forests Initiative » et mène également sur le long terme une politique générale « zéro déforestation » pour ses principales matières premières, y compris le cacao. 
  • Unilever: Afin de mettre un terme à la déforestation liée au cacao, nous nous engageons à nous approvisionner exclusivement en cacao durable, au niveau mondial, toutes zones confondues. De même, notre engagement en matière de lutte contre la déforestation concerne toutes nos matières premières. 

Il est grand temps que l’ensemble du secteur assainisse ses pratiques et adopte rapidement des politiques « zéro déforestation » solides et mondiales pour le cacao. Nous pensons particulièrement aux sociétés dont l’implication dans des chaînes illégales d’approvisionnement de cacao de déforestation (le cacao étant parfois cultivé à l’intérieur de parcs nationaux) avait été identifiée par Mighty Earth dans son dernier rapport.

Nous demandons donc au secteur du chocolat d’agir comme il se doit et d’envoyer pour la Saint-Valentin un message d’espoir aux paresseux du Pérou, aux jaguars d’Équateur et aux Anoas d’Indonésie en sauvant les forêts dans lesquelles ils vivent.

Célèbes : Partie d’une région productrice de cacao en Indonésie, avant et après déforestation

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Partie d’une région productrice de cacao au Pérou, avant et après déforestation 

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Partie d’une région productrice de cacao en Équateur, avant et après déforestation

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Partie d’une région productrice de cacao au Cameroun, avant et après déforestation 

[vc_separator]Notes sur la déforestation liée à la production de cacao, au-delà de l’Afrique de l’Ouest :

Au niveau mondial : Au niveau mondial, le déboisement provoqué par la production de cacao, de 1988 à 2008, est estimé approximativement à 2-3 millions d’hectares. Ceci équivaut à 1 % environ de l’ensemble du déboisement. [i] Entre 1990 et 2008, le cacao représentait 8 % de la déforestation importée par les 27 États membres de l’UE. [ii] En se déployant, la culture du cacao menace de nouvelles forêts. « De 2000 à 2014, la production mondiale de fèves de cacao a augmenté de 32 %, passant de 3,4 à 4,5 millions de tonnes — alors que l’empreinte écologique causée par l’utilisation des terres pour les plantations de cacao a bondi à 37 % — passant de 7,6 à 10,4 millions d’hectares. »[iii] Depuis 2007, la cacaoculture s’étend à des pays comme la Papouasie Nouvelle-Guinée, la Malaisie, la République dominicaine, le Libéria, l’Ouganda, la Colombie et la République de Sierra Leone. Elle est susceptible de fragiliser des forêts déjà vulnérables.

Indonésie : L’Indonésie est connue pour sa déforestation liée à l’exploitation de l’huile de palme, du bois et du papier. Mais la cacaoculture s’y est également développée. Le pays se hisse aujourd’hui au rang de 3e producteur mondial de cacao. Entre 1988 et 2007, près de 0,7 million d’hectares de forêts ont été défrichés en Indonésie pour la production de cacao, ce qui équivaut à près de 9 % de la déforestation nationale liée à l’agriculture. [iv] La déforestation mise en évidence par nos cartes ci-dessus se situe dans « l’île du cacao », les Célèbes, où la plupart des 850 000 tonnes annuelles [v] sont produites. En 2017, près de 63 % de la production indonésienne de cacao se concentrait dans l’île des Célèbes. Ses principales régions productrices sont le Sulawesi occidental (18 % de la production indonésienne), le Sulawesi du Sud-Est (17 %) et le Sulawesi du Sud (16 %). [vi] Un expert a rapporté à Mighty Earth qu’à l’exception des plaines alluviales au nord de Mamuju (sur la côte ouest, face à Bornéo) qui ont été partiellement déboisées au milieu des années 1990 par les producteurs d’huile de palme, presque toute la déforestation des Célèbes a pour origine le cacao. Cette déforestation est particulièrement sensible dans les collines (en général, à partir de 20 km de la côte). [vii]

Cameroun : Le cacao devient aussi un facteur de déforestation dans le bassin du Congo, là où se trouvent les plus grandes forêts tropicales intactes au monde. Les statistiques de l’ITC sur les exportations de fèves de cacao indiquent que les exportations du Cameroun sont passées de 131 075 tonnes en 2007 à 263 746 tonnes en 2016. Ces chiffres laissent supposer que le nombre de cacaoyers a doublé (sachant que les récoltes commencent 3 à 5 ans après la plantation), et que certains d’entre eux ont probablement été plantés sur des forêts. En 2012, le gouvernement du Cameroun a annoncé son intention d’intensifier la production de cacao pour la propulser à 600 000 tonnes annuelles d’ici 2020 (contre 225 000 tonnes actuellement). Cette initiative menacerait davantage de forêts, bien que d’après le directeur général de la Société de développement du cacao au Cameroun, ces projets d’expansion de la cacaoculture tournent court. [viii] Déjà en 2014, près de 11 % de l’empreinte écologique des récoltes du Cameroun correspondaient à la production de cacao. La déforestation mise en évidence par nos cartes ci-dessus se situe dans le département de Manyu, dans la région du sud-ouest du Cameroun. Manyu et Meme sont les deux départements du Cameroun où se concentre la production de cacao. [ix] La région du Sud-Ouest produirait à elle seule près de la moitié du cacao du Cameroun. [x] Mamfé est la capitale du cacao du département de Manyu. Depuis novembre 2016, de violents affrontements opposent les séparatistes aux forces de l’ordre. Ces affrontements ont coupé de nombreux acheteurs camerounais des circuits traditionnels de vente. Du cacao serait depuis exporté illégalement vers le Nigeria. [xi] Chez son voisin le Nigeria, on estime que le cacao a contribué, de 1990 à 2008, à 8 % de la déforestation nationale. [xii]

Amazonie péruvienne : Les producteurs de cacao se sont aussi tournés vers l’Amérique du Sud, en particulier vers le Pérou. Les statistiques de l’ITC sur les exportations de fèves de cacao indiquent que les exportations ont progressé, passant de 4 263 tonnes en 2007 à 61 888 tonnes en 2016. La production de cacao aurait été multipliée par 15. Des images satellites de 2012 ont surpris United Cacao en train de détruire près de 2000 hectares de terres pour les convertir en plantation de cacao, mordant sur la forêt amazonienne du Pérou, riche en biodiversité et en carbone. Les plantations de cacao au Pérou ont dû atteindre les 129 842 hectares en 2016. [xiii] La déforestation mise en évidence par nos cartes ci-dessus s’est produite principalement dans les régions d’Ucayali, de Huanuco et de San Martin.

Équateur : Les statistiques de l’ITC sur les exportations de fèves de cacao indiquent que les exportations de l’Équateur ont presque triplé, passant de 80 093 tonnes en 2007 à 227 214 tonnes en 2016. Les zones de cacaoculture ont progressé de 16 600 hectares, entre 2000 et 2008, dans les provinces de Sucumbíos et de Napo. Avec les cultures de plantes fourragères, de cacao et d’huile de palme, le secteur agricole est le principal responsable de la déforestation en Équateur. [xiv] On estime que le cacao est cultivé sur 16 100 hectares dans la province de Sucumbíos et sur 13 500 hectares dans la province d’Orellana. [xv] La déforestation mise en évidence par nos cartes ci-dessus se situe dans les provinces d’Orellana et de Sucumbíos.[vc_separator]

Forêt détruite par la culture du cacao © Mighty Earth 2017

Sacs de fèves prêts à être expédiés © Mighty Earth 2017

Jaguar en Équateur © 123RF

Anoa d’Indonésie © 123RF

Paresseux du Pérou © 123RF

[vc_separator]Sources:
[i] Kroeger, A. et al. (2017) Eliminating Deforestation from the Cocoa Supply Chain. World Bank Group, March 2017.
[ii] http://ec.europa.eu/environment/forests/pdf/1.%20Report%20analysis%20of%20impact.pdf
[iii] https://resourcetrade.earth/stories/cocoa-trade-climate-change-and-deforestation#section-171
[iv] FAOSTAT and European Commission. The impact of EU consumption on deforestation: Comprehensive analysis of the impact EU consumption on deforestation. 2013. Technical Report 063.
[v] https://www.rikolto.org/en/project/cocoa-sulawesi-indonesia
[vi] Indonesian Ministry of Agriculture, Directorate General of Estate Crops, Tree Crop Estate Statistics of Indonesia, 2015-2017 cocoa, http://bit.ly/2FUaEBO
[vii] Email exchange with Francois Ruf, February 2018.
[viii] Thomson Reuters Foundation, Extreme weather threatens Cameroon’s hopes of becoming a cocoa giant, 7 June 2017, http://tmsnrt.rs/2nhEXvn.
[ix] International Cocoa Organization (ICCO), Cameroon, http://bit.ly/2EJoYxz.
[x] Reuters, Unrest in Cameroon fuels cocoa smuggling to Nigeria, 16 January 2018, http://reut.rs/2BcYlBk.
[xi]Business in Cameroon, Cameroon’s cocoa production taken over by Nigeria, 29 July 2017, http://bit.ly/2sgGOFE.
Reuters, Unrest in Cameroon fuels cocoa smuggling to Nigeria, 16 January 2018, http://reut.rs/2BcYlBk.
[xii] www.ec.europa.eu/environment/forests/pdf/1.%20Report%20analysis%20of%20impact.pdf
[xiv] Satellite images in 2012 showed United Cacao destroying nearly 5000 acres of land for a cocoa plantation, encroaching on the carbon-rich, biodiverse Amazon rainforest in Peru: http://www.wri.org/blog/2015/06/zooming-%E2%80%9Csustainable%E2%80%9D-cocoa-producer-destroys-pristine-forest-peru.
See also: https://news.mongabay.com/2015/01/company-chops-down-rainforest-to-produce-sustainable-chocolate/ and http://maaproject.org/2015/image-9-cacao-tamshiyacu/  for how Matt Finer of the Amazon Conservation Association used Landsat imagery to chronicle the clearing month-by-month and prove that the area was previously primary forest. Meanwhile, Greg Asner of Stanford University’s Carnegie Institution for Science used airborne LiDAR technology to estimate that the patch of forest contained an average of 122 metric tons of carbon per hectare (54.4 tons per acre).” (WRI: http://www.wri.org/blog/2015/08/how-much-rainforest-chocolate-bar and https://cao.carnegiescience.edu/ ).
[xv] UNDP and Ecuadorian Ministry of the Environment (MAE), Sustainable Development of the Ecuadorian Amazon: integrated management of multiple use landscapes and high value conservation forests, March 2015, http://bit.ly/2mE6Sp2.
[xvi] Revista Nera, Oswaldo Viteri Salazar and Jesús Ramos-Martín, Organizational structure and commercialization of coffee and cocoa in the northern amazon region of Ecuador, January-April 2017, http://bit.ly/2Dd4Wyb

ITC Trade in Cocoa Beans, 2007-2016

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